Uniswap propose un DUNA — le moment LLC pour la crypto
L’essentiel
- Uniswap a proposé de créer une entité Wyoming appelée DUNI, basée sur le statut DUNA (Decentralized Unincorporated Nonprofit Association), pour donner une existence légale à sa gouvernance.
- Une DUNA permet de rendre exécutoires hors chaîne (off-chain) des votes effectués sur la blockchain (on-chain), tout en offrant une protection de responsabilité aux participants à la gouvernance.
- Le statut DUNA est pensé pour limiter la captation de valeur par des acteurs internes, car il est défini comme non lucratif, mais il peut tout de même posséder et distribuer des revenus.
- Sur le plan technique, relier une gouvernance on-chain à une entité légale soulève des questions d’architecture (exécution des décisions, trésorerie, administrateurs proxies) et de compromis entre décentralisation et opérabilité juridique.
L’idée est simple en apparence : permettre à une communauté décentralisée de signer des contrats, payer des impôts et être reconnue en justice sans dissoudre sa gouvernance par tokens. Ici, DAO signifie organisation autonome décentralisée (DAO en anglais) et DUNA signifie Decentralized Unincorporated Nonprofit Association — une structure légale du Wyoming pensée pour les communautés blockchain.
Le détail technique
Sur le papier, une DUNA agit comme un pont juridique entre deux mondes. Les votes et propositions restent sur la blockchain (on-chain, c’est‑à‑dire enregistrés et exécutables via des smart contracts). La DUNA, elle, est l’entité capable de signer des accords et de représenter le protocole hors chaîne (off-chain).
Concrètement, plusieurs éléments techniques doivent être conçus ou revus :
- Le modèle d’exécution : qui concrètement « appuie sur le bouton » pour transformer un vote on-chain en action légale ? Souvent une clé contrôlée par la DUNA (multisig ou executor) est prévue ; la gouvernance décentralisée délègue ainsi l’exécution opérationnelle à des comptes juridiques.
- La gestion de la trésorerie : la DUNA peut détenir des fonds en fiat ou en crypto. Il faudra coder des passerelles sécurisées entre coffres on-chain (smart contract treasuries) et comptes bancaires officiels, tout en conservant des garde‑fous pour éviter la captation de valeur.
- Interprétation des votes : la loi permet de rendre certains votes enforceables, mais la formulation des propositions et les conditions d’exécution doivent être juridiquement claires pour résister à un contrôle judiciaire.
Impacts pour les utilisateurs
Pour les développeurs et contributeurs, une DUNA réduit un risque clé : la responsabilité personnelle. Les bénévoles et validateurs peuvent participer sans craindre d’être poursuivis individuellement pour des décisions collectives.
Pour les utilisateurs du protocole, l’existence d’une entité légale peut améliorer l’interaction avec des institutions (banques, partenaires, régulateurs) et faciliter des intégrations (par exemple contrats de licence, accords commerciaux, partenariats). En revanche, cela peut aussi introduire des points de friction : procédures KYC/AML côté off-chain, obligations fiscales et possibles délais administratifs.
Pourquoi c’est important
Techniquement, la proposition d’Uniswap montre un chemin pragmatique pour que des réseaux ouverts interagissent avec le système juridique sans renoncer à la gouvernance tokenisée. Historiquement, la LLC (limited liability company) a permis la montée en puissance des entreprises ; la DUNA vise une fonction analogue pour les organisations crypto : permettre l’échelle et la sécurité juridique tout en préservant des processus décentralisés.
Reste la tension centrale : chaque pont vers le droit introduit potentiellement des leviers de centralisation opérationnelle. Les ingénieurs doivent concevoir des protocoles et des opérations juridiques qui conservent la résilience et la transparence attendues par les communautés. Ce chantier sera autant technique que politique.