Prédictions, résultats et zéros — quand il ne faut pas trader
L’essentiel
- Les marchés de prédiction affichent une précision étonnante : un score de Brier (méthode d’évaluation des probabilités) rapporté à ~0,058 suggère une performance bien meilleure qu’un tirage au sort.
- Cette précision mesurée à la « ligne finale » (prix un jour avant résolution) implique qu’il est difficile de battre le marché sans obtenir un avantage de timing.
- Le biais d’évaluation par le résultat (« resulting ») fausse souvent la lecture des décisions probabilistes : juger une stratégie sur son seul résultat est trompeur.
- Parallèlement, plusieurs développements du secteur attirent l’attention : gains massifs issus de tokens non traditionnels, questionnements sur la valorisation d’une grande plateforme, et la perspective d’un marché actions 24/7.
Les marchés de prédiction — plateformes où l’on parie sur l’occurrence d’événements — semblent aujourd’hui fournir des signaux de qualité. Si l’on mesure leur justesse avec le Brier score (métrique qui calcule la moyenne du carré de l’écart entre probabilité prédite et résultat réel, pénalisant fortement la surconfiance), les chiffres rapportés sont remarquablement bas. Autrement dit, les prix cotés sur ces marchés sont de bons estimateurs de probabilité ex ante.
Contexte du marché
L’élément le plus frappant est la méthode : la comparaison se fait sur la ligne finale, équivalente au dernier cours disponible avant la résolution d’un pari. Les professionnels des paris sportifs se jugent souvent à cette même aune : une mise prise à de meilleures cotes que la ligne finale est une bonne mise, même si elle perd. Cela signifie qu’il existe potentiellement de l’alpha — mais l’extra doit être capturé avant que le marché ne se serre.
Le problème est comportemental. Daniel Kahneman et des praticiens du poker évoquent le danger du resulting : attribuer qualité à une décision sur la base de son résultat plutôt que du processus probabiliste qui l’a générée. En finance, c’est fatal. Une série de pertes à court terme ne rend pas une stratégie mauvaise si son espérance reste positive.
Autre signe d’une adoption plus large : l’activité sur ces plateformes dépasse désormais celle observée lors d’élections majeures, et même des événements de communication de banques centrales attirent des volumes significatifs. FOMC (Federal Open Market Committee, le comité de politique monétaire américain) est désormais un pari régulier — preuve que le marché considère la micro-information utile, même pour des rendez‑vous institutionnels routiniers.
À suivre
- Traçabilité des revenus liés aux tokens : certains acteurs déclarent des gains massifs provenant de tokens sans revendication d’actifs, ce qui pose des questions sur la nature des revenus et la transparence comptable.
- Documents d’enregistrement d’entreprises crypto cotées (S‑1, formulaire d’enregistrement) : la lecture attentive des projections et des hypothèses de monétisation restera cruciale pour évaluer la valeur réelle.
- L’ouverture potentielle des marchés actions 24/7 : surveiller l’impact sur la liquidité intrajournalière et le comportement des algorithmes, ainsi que sur la qualité des prix hors des heures classiques.
- L’élasticité des marchés de prédiction face aux nouvelles sources d’information et à la liquidité des marchés peu épais (les marchés à faible volume semblent eux aussi surprendre par leur précision).
En synthèse : les prix des marchés de prédiction méritent d’être suivis comme des indicateurs probabilistes sérieux. Mais battre ces prix reste une tâche d’expert — pas une invitation générale au trading impulsif. La finance, comme le poker, récompense la discipline probabiliste, pas l’illusion de contrôle.