L’AMF sort les griffes contre Bitget : la plateforme de cryptomonnaies dans le viseur du régulateur français

AMF contre Bitget

La semaine dernière, l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) a lancé un avertissement sévère à l’encontre de Bitget, une plateforme d’échange de cryptomonnaies basée à Singapour. Le gendarme boursier français reproche à Bitget de ne pas respecter la réglementation en vigueur et menace même de bloquer l’accès au site en France. Cette mise en garde fait suite à l’inscription de Bitget sur la liste noire de l’AMF en novembre dernier. Décryptage de ce bras de fer entre le régulateur et la plateforme crypto.

Bitget dans le collimateur de l’AMF depuis novembre 2023

Bitget propose des services d’échange de cryptomonnaies ainsi que des produits dérivés à effet de levier depuis sa création en 2018. Bien qu’accessible aux investisseurs français, la plateforme singapourienne ne dispose pas de l’enregistrement obligatoire en tant que Prestataire de Services sur Actifs Numériques (PSAN) auprès de l’AMF. C’est la raison pour laquelle le régulateur a placé Bitget sur sa liste noire dès le 3 novembre 2023.

En agissant ainsi sans autorisation sur le territoire français, Bitget s’expose à des sanctions comme le soulignait l’année dernière l’AMF :

« À cet égard, l’AMF invite les épargnants français qui auraient toutefois investi sur cette plateforme à retirer leurs avoirs dans les plus brefs délais ».

(AMF, « L’AMF lance des avertissements contre Bitget », 6 avril 2023)

Au-delà de la concurrence déloyale vis-à-vis des acteurs régulés, cette situation comporte des risques pour les utilisateurs français.

Quels dangers pour les investisseurs français sur Bitget ?

En utilisant une plateforme non régulée comme Bitget, les investisseurs français s’exposent à plusieurs risques. Tout d’abord, l’AMF ne peut pas s’assurer que les fonds des clients sont bien ségrégés de ceux de la société. En cas de faillite ou de piratage, les utilisateurs pourraient perdre tout ou partie de leur mise.

De plus, en l’absence de contrôle du régulateur, rien ne garantit que Bitget respecte les règles élémentaires de protection des investisseurs (lutte contre le blanchiment, sécurité informatique, transparence…). Les clients français sont donc moins bien protégés que sur une plateforme dûment enregistrée.

Enfin, en cas de litige, les utilisateurs français auront plus de mal à faire valoir leurs droits face à une société basée à l’étranger et hors du cadre réglementaire européen. Les recours seront plus complexes et coûteux que face à un acteur régulé.

L’AMF prête à sévir, jusqu’à un blocage de Bitget en France

Face au refus de Bitget de se conformer à la réglementation française sur les PSAN, l’AMF hausse le ton et agite la menace de sanctions.

Dans son communiqué, le régulateur indiquait ainsi « se réserver la possibilité d’engager des actions en justice à l’encontre de Bitget, ce qui pourrait notamment inclure un blocage de la plateforme localement ».

(AMF, « L’AMF lance des avertissements contre Bitget », 6 avril 2023)

Si Bitget persiste à cibler le marché français sans se plier aux exigences réglementaires, le site pourrait donc être rendu inaccessible sur le territoire, sur décision de justice. Un tel blocage constituerait une première pour un acteur crypto et marquerait la fermeté de l’AMF dans ce dossier.

Au-delà de Bitget, ce bras de fer envoie un message clair à l’ensemble de l’écosystème crypto : les plateformes souhaitant opérer en France doivent obtenir leur enregistrement PSAN et se soumettre à la supervision de l’AMF.

Comme le soulignait Florian Ernotte, avocat spécialisé en droit des cryptomonnaies : « L’AMF montre sa détermination à faire respecter les règles par les acteurs crypto et à protéger les épargnants français. Les plateformes doivent rapidement se mettre en conformité sous peine de sanctions ».

(Cryptoast, 8 avril 2023)

Vers une régulation plus stricte des cryptomonnaies

L’offensive de l’AMF contre Bitget s’inscrit dans un contexte de durcissement réglementaire autour des cryptomonnaies, en France comme en Europe. Depuis l’entrée en vigueur du régime PSAN en 2019, les plateformes doivent obtenir un enregistrement pour fournir des services sur actifs numériques dans l’Hexagone.

Au niveau européen, le règlement MiCA (Markets in Crypto-Assets) va imposer un cadre harmonisé et contraignant à l’échelle des 27 États membres à partir de 2024. Les acteurs crypto devront obtenir un agrément pour opérer et se plier à des exigences strictes en termes de fonds propres, de gouvernance ou de protection des investisseurs.

Cette régulation accrue vise à favoriser le développement d’un écosystème crypto plus mature et responsable, en éliminant les acteurs ne respectant pas les règles du jeu. Si elle représente des contraintes pour les plateformes, elle apporte aussi une sécurité renforcée aux investisseurs. À terme, elle pourrait renforcer l’adoption grand public des cryptomonnaies.

Conclusion

En s’attaquant frontalement à Bitget, l’AMF montre sa volonté de réguler étroitement le secteur des cryptomonnaies en France.

Car comme le rappelait dès 2022 l’AMF : « Il n’existe pas de rendement élevé garanti, un produit présentant un potentiel de rendement élevé implique un risque élevé ».

(Commission européenne, « Questions et réponses : cadre réglementaire pour les crypto-actifs (MiCA) », 5 octobre 2022)

Loin d’être un épiphénomène, ce dossier illustre la montée en puissance de la supervision des acteurs crypto. Pour les plateformes, l’heure est à la mise en conformité avec un cadre réglementaire de plus en plus exigeant. Pour les investisseurs, mieux vaut privilégier les acteurs régulés afin de bénéficier d’une meilleure protection.

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