Trésoreries crypto en hausse et IPO : quel cadre réglementaire pour ces achats massifs ?
L’essentiel
- Une vague d’annonces d’entreprises — achats de bitcoins et d’ether, levées et dossiers d’introduction en bourse (IPO) — fait grimper les trésoreries crypto près de 100 milliards de dollars.
- Parmi les opérations annoncées : acquisition de 39 008 ETH (~177 M$), une levée de 654 M$ incluant 150 000 ETH, et un ajout de 4 048 BTC (~449 M$) portant une société à plus de 636 000 BTC.
- Des changements réglementaires et comptables récents — approbation d’ETFs (exchange-traded funds, fonds négociés en bourse) spot pour BTC et ETH, traitement en juste valeur des actifs crypto et la suppression d’une règle de garde — ont abaissé les barrières d’entrée pour les entreprises.
- La conjonction d’un climat politique plus favorable et d’évolutions comptables a accéléré l’adoption institutionnelle, mais elle soulève des questions de gouvernance, de concentration et de transparence.
Plusieurs sociétés, de New York à Hong Kong, ont annoncé des acquisitions massives de crypto-actifs, des fusions visant une cotation et des IPO. Ces mouvements s’inscrivent dans un panorama transformé : en 2024, la SEC (U.S. Securities and Exchange Commission, l’autorité américaine des marchés) a validé des ETFs spot pour le bitcoin et l’ether, et les règles comptables ont évolué pour permettre la valorisation en juste valeur des actifs numériques. Ce contexte facilite l’intégration directe de crypto sur le bilan des entreprises, mais il appelle aussi des cadres réglementaires et de reporting plus précis.
À suivre
Les prochains mois seront déterminants côté régulation. D’abord, la pérennité des changements comptables : l’autorité comptable et les auditeurs vont clarifier les conditions d’application du traitement en juste valeur et la fréquence des revalorisations. Ensuite, la surveillance des autorités de marché sur les dossiers d’IPO crypto, notamment l’examen des risques liés à la garde (custody) et à la liquidité, doit s’intensifier. Autre point : l’articulation entre régulateurs financiers et fiscaux — par exemple sur la déclaration des gains latent et la fiscalité des récompenses de staking (verrouillage d’actifs pour sécuriser une blockchain en échange d’une rémunération) — influencera les stratégies de trésorerie.
Impacts pour les utilisateurs
Pour les utilisateurs, la hausse des trésoreries d’entreprise peut avoir des effets concrets. À court terme, l’afflux institutionnel renforce la liquidité et peut réduire les coûts de transaction, rendant l’accès indirect aux actifs (via produits listés) plus attractif. Les entreprises mentionnent aussi la possibilité de « staking », ce qui peut accroître l’offre de services rémunérateurs pour les clients. Mais ce mouvement accroît la dépendance du marché à quelques acteurs majeurs : si des sociétés détiennent des portions significatives du supply, la dynamique prix-volume peut se modifier et la coordination entre acteurs privés et infrastructures de marché deviendra plus critique.
Risques et limites
Les avantages s’accompagnent de risques non négligeables. La concentration des avoirs pose des questions de marché : un acteur qui contrôle plusieurs pourcents d’un réseau (par exemple >3 % de l’offre de bitcoin) peut, en cas de revente massive, déclencher des tensions de prix. Le traitement en juste valeur amplifie la volatilité comptable : gains et pertes s’inscrivent directement dans le compte de résultat, ce qui peut compliquer la lecture des performances pour les investisseurs traditionnels. Enfin, la normalisation réglementaire reste incomplète — un changement de politique, une nouvelle interprétation fiscale ou un durcissement du contrôle prudentiel remettrait en cause certaines stratégies de trésorerie. Les autorités devront donc combiner exigences de transparence, règles de gouvernance et supervision des risques de marché pour encadrer cette nouvelle ère d’adoption corporative.