Starknet grinta : décentralisation, panne et enjeux réglementaires
L’essentiel
- Grinta, la mise à jour majeure de Starknet, active des transactions quasi instantanées (~0,5 s), une production de blocs sept fois plus rapide et un nouveau marché des frais inspiré d’EIP-1559.
- Le réseau a subi une interruption de plus de deux heures peu après le déploiement ; une réorganisation de chaîne a effacé des transactions soumises pendant cette période.
- La mise à niveau amorce la décentralisation du séquenceur (élément qui ordonne les transactions) en production : trois séquenceurs partagent désormais la responsabilité, mais tous sont encore opérés par l’équipe centrale.
- Des choix techniques — fusionner de nombreuses fonctionnalités en un seul déploiement — soulèvent des questions de gouvernance, de gestion du risque opérationnel et de conformité.
La mise à jour dite Grinta promet de rapprocher l’expérience utilisateur des services Web2 en réduisant latence et coûts. Mais l’incident survenu juste après son lancement rappelle que la course à l’innovation technique se confronte aux exigences de fiabilité, et désormais à celles des régulateurs.
Réglementation et conformité
Plusieurs éléments de Grinta attirent l’attention des autorités et des équipes de conformité. D’abord, le passage à STRK comme token de frais par défaut transforme un actif en instrument de règlement interne : selon les juridictions, cela peut influencer la qualification du jeton, les obligations fiscales et la surveillance liée à la lutte contre le blanchiment (AML, anti-money laundering). L’intégration de paymasters — intermédiaires qui permettent aux utilisateurs de payer en ETH (Ether) ou en stablecoins — complique le panorama, puisque ces intermédiaires peuvent relever de règles relatives aux prestataires de services de paiement ou aux transmetteurs de fonds selon les flux et la structuration.
Ensuite, la décentralisation du séquenceur (le service qui ordonne et publie les transactions) est une évolution clé pour la résistance à la censure. Mais tant que les nœuds restent opérés par l’entité fondatrice, les obligations réglementaires sur les opérateurs de réseau (responsabilité opérationnelle, audits, exigences de cyberrésilience) restent concentrées. Les autorités s’intéresseront aux processus de certification, à la transparence des incidents et aux calendriers effectifs de mise à disposition d’opérateurs indépendants.
Enfin, l’introduction d’un nouveau modèle de marché des frais inspiré d’EIP-1559 (Ethereum Improvement Proposal 1559, mécanisme comportant notamment un « base fee » burn sur Ethereum) peut avoir des implications sur la comptabilité des revenus et la traçabilité des flux, domaines scrutés par les régulateurs financiers et fiscaux.
Contexte du marché
Techniquement, Grinta vise à soutenir des usages exigeants : finance décentralisée (DeFi, finance décentralisée), jeux et applications IA. Une latence plus faible et un mempool qui permet de prioriser les transactions rapprochent le modèle d’expériences attendues par les développeurs et utilisateurs. Mais le marché valorise aussi la stabilité : une panne ou une réorganisation de chaîne qui efface des transactions entame la confiance — facteur déterminant pour l’adoption par des acteurs institutionnels et pour les discussions réglementaires futures.
Impacts pour les utilisateurs
À court terme, les gains UX (0,5 s de pré-confirmation, blocs plus rapides) sont tangibles. La standardisation d’un Paymaster API nommé SNIP-29 (Spécification de Paymaster simplifiée) facilite l’intégration pour les wallets et dApps, réduisant les frictions techniques.
Mais la réorganisation de chaîne effaçant des transactions illustre un risque opérationnel concret : pertes temporaires d’actions sur une transaction, exposant des positions DeFi à des slippages ou liquidations. Les utilisateurs et intégrateurs doivent donc attendre des garanties opérationnelles : politiques de redressement, journaux d’incidents publiés, et surtout une feuille de route claire pour la mise en place effective d’opérateurs séquenceurs indépendants.
En pratique : l’incident met sur la table la nécessité d’un équilibre entre innovation rapide et gouvernance robuste. Pour les décideurs publics, il souligne l’importance d’exiger transparence, plans de continuité et tests avant tolérance d’un rôle systémique à ces infrastructures.