Les Stablecoins, remède miracle pour les îles du Pacifique ?
Le Fonds Monétaire International (FMI) a récemment publié des recommandations qui font polémique dans le monde de la cryptomonnaie. L’institution financière internationale préconise en effet l’utilisation de stablecoins, ces cryptoactifs adossés à une monnaie fiduciaire, pour stimuler l’économie des petits États insulaires du Pacifique. Une prise de position étonnante qui soulève de nombreuses questions sur les risques pour la souveraineté monétaire de ces pays.
Le constat du FMI sur les économies du Pacifique
Dans son rapport, le FMI dresse un bilan préoccupant de la situation économique de nombreuses îles du Pacifique comme les Fidji, les Tonga ou encore les Îles Marshall. Ces petits États souffrent de leur isolement géographique, d’un manque d’infrastructures et d’une forte dépendance aux importations. La pandémie de Covid-19 a encore aggravé leurs difficultés en faisant chuter les revenus du tourisme.
Face à ce constat, les économistes du FMI estiment que l’adoption de stablecoins pourrait être une solution pour dynamiser les échanges et faciliter les transferts de fonds des diasporas vers ces îles. Les stablecoins présentent en effet l’avantage d’offrir des transactions rapides, peu coûteuses et accessibles au plus grand nombre grâce aux smartphones.
Des risques pour la souveraineté monétaire
Mais cette recommandation du FMI est loin de faire l’unanimité. De nombreux experts mettent en garde contre les dangers que représenteraient les stablecoins pour des économies aussi fragiles que celles des îles du Pacifique.
Le premier risque est celui d’une perte de contrôle sur la politique monétaire. En utilisant massivement des stablecoins adossés au dollar, ces pays se priveraient de leviers essentiels comme le taux de change ou les taux directeurs pour réguler leur économie. Ils deviendraient de facto dollarisés sans avoir leur mot à dire.
Le deuxième risque est celui d’une fuite des capitaux en période de crise. Si la confiance dans la monnaie locale s’effrite, rien n’empêcherait les utilisateurs de stablecoins de convertir massivement leurs avoirs en dollars et de les transférer hors du pays, aggravant la crise.
Enfin, l’utilisation de stablecoins poserait un sérieux défi en termes de régulation et de supervision pour des pays qui manquent cruellement de moyens et d’expertise dans le domaine des cryptoactifs. Comment s’assurer de la qualité des réserves détenues par les émetteurs de stablecoins ? Comment lutter contre leur utilisation à des fins de blanchiment ou d’évasion fiscale ?
Un sujet qui divise
Au final, la proposition du FMI a le mérite de lancer le débat sur les opportunités et les risques liés aux stablecoins pour les économies émergentes. Certains y voient un moyen de réduire les coûts de transaction et d’améliorer l’inclusion financière. D’autres craignent au contraire une perte de souveraineté et une déstabilisation du système financier.
Une chose est sûre, le sujet est complexe et nécessite une approche nuancée prenant en compte les spécificités de chaque pays. Plutôt que d’imposer une solution unique, le FMI devrait accompagner les États qui souhaitent expérimenter les stablecoins en les aidant à mettre en place un cadre réglementaire protecteur. Car mal encadrée, l’utilisation massive de monnaies privées pourrait bien être un remède pire que le mal pour ces économies déjà fragilisées.