Pourquoi la domination du dollar ne se fabrique pas

À retenir

  • La domination du dollar s’enracine dans la profondeur, la liquidité et la sécurité des marchés américains — pas seulement dans des accords politiques.
  • Dans les faits historiques, les grands flux de revenus pétroliers ont été accaparés par les marchés américains parce qu’aucun autre marché ne pouvait absorber ces montants en toute sécurité.
  • Les stablecoins (jetons crypto indexés sur une monnaie fiduciaire) suivent la demande de dollar ; ils ne la créent pas.
  • La menace réelle pour le dollar ne vient pas des technologies, mais d’une perte de confiance liée à l’érosion des institutions et à l’indépendance de la banque centrale.

Quand on parle de « domination » du dollar, il s’agit d’un fait structurel : de nombreuses banques centrales et investisseurs étrangers conservent et utilisent le billet vert comme réserve de valeur et intermédiaire d’échange. Le terme réserve désigne ici une monnaie que les Etats et institutions détiennent pour régler le commerce international et stabiliser leurs propres économies.

Pourquoi le dollar reste attractif

La préférence pour le dollar tient à trois qualités concrètes. La profondeur désigne l’existence d’un grand volume d’actifs de haute qualité — par exemple les Treasurys, c’est‑à‑dire les obligations émises par le gouvernement américain. La liquidité signifie qu’on peut acheter ou vendre ces actifs rapidement sans faire bouger les prix. Enfin, la sécurité renvoie à des protections juridiques et à la prévisibilité politique, souvent résumées par « la règle de droit ». Ces attributs étaient déjà décisifs dans les années 1970, lorsque des revenus pétroliers massifs ont été orientés vers les marchés américains parce qu’aucune autre place ne pouvait absorber des dizaines de milliards par mois de façon sûre et fluide.

Autrement dit, la domination du dollar n’est pas née d’un marchandage diplomatique, mais d’une réalité financière : les investisseurs choisissent les marchés qui peuvent gérer de très grands volumes sans risque disproportionné.

Réglementation et conformité

Dans l’écosystème crypto, les stablecoins — des jetons numériques conçus pour maintenir une parité avec une monnaie fiduciaire — cristallisent le débat. Ils facilitent les opérations sur les plateformes de finance décentralisée (DeFi, pour « finance décentralisée »), mais leur adoption reflète d’abord la demande pour la monnaie sous‑jacente. La régulation des stablecoins et des plateformes associées peut limiter des risques opérationnels et protéger les utilisateurs, mais elle ne remplace pas les fondements macroéconomiques qui donnent au dollar sa prééminence.

Autre angle réglementaire : la confiance des investisseurs étrangers dépend aussi des règles du jeu. Une banque centrale perçue comme indépendante et focalisée sur la stabilité des prix renforce l’attrait du marché national. À l’inverse, des pressions politiques pour monétiser le déficit ou influencer la politique monétaire peuvent détériorer la confiance et, avec le temps, réduire l’appétit pour les actifs libellés en dollar.

À suivre

  • Les décisions de la banque centrale américaine et le discours politique autour de son indépendance : indicateurs clés de confiance.
  • L’évolution des flux de portefeuille étrangers vers les actions et les obligations américaines : une baisse durable signalerait une réallocation structurelle.
  • L’encadrement réglementaire des stablecoins et des infrastructures de marché crypto, susceptible d’affecter l’utilité transactionnelle mais pas forcément la demande fondamentale pour le dollar.
  • Les risques géopolitiques et les alternatives institutionnelles chez d’autres grands acteurs économiques : à surveiller, mais pas encore décisifs pour renverser la dynamique existante.

En résumé, les technologies crypto et les instruments comme les stablecoins suivent des besoins réels du système financier international. Elles peuvent modifier les usages et améliorer l’efficacité, mais elles ne suffisent pas à « fabriquer » une demande de dollar si les fondamentaux institutionnels et la confiance disparaissent.

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