La banque centrale russe ouvre la voie à des opérations cryptos bancaires limitées

En bref
- La banque centrale propose d’autoriser les banques domestiques à effectuer des opérations sur crypto-actifs sous surveillance stricte.
- Un projet de cadre envisagerait de plafonner l’exposition à 1 % du capital des établissements, avec des exigences de réserves élevées.
- Le mouvement complète un régime expérimental déjà en place pour des acteurs qualifiés et des clients fortunés, notamment pour les règlements internationaux.
- Un projet de loi global, incluant un système de licences pour les prestataires, est attendu pour 2026.
La décision annoncée lors d’un forum fintech marque un tournant prudent dans la politique russe: la banque centrale reste réservée vis‑à‑vis des actifs décentralisés comme le Bitcoin, mais elle adapte son approche face aux réalités du marché et aux tensions macroéconomiques. Le choix est clair: encadrer plutôt qu’interdire, tout en limitant l’empreinte des crypto‑opérations sur le bilan bancaire.
Le détail technique
Le projet de cadre technique, tel que présenté, comporte plusieurs garde‑fous. D’abord, un plafond d’exposition fixé à 1 % du capital prudentiel des banques. Par capital, on entend les fonds propres réglementaires servant de tampon face aux pertes. Ensuite, l’application de réserves élevées visant à réduire le risque systémique: ces réserves obligent les banques à immobiliser des liquidités ou des actifs sûrs pour couvrir l’exposition aux crypto‑actifs.
Les règles couvriront probablement la conservation (custody) des actifs, la séparation des activités de marché et des services de paiement, ainsi que des exigences renforcées en matière de connaissance client (KYC, know your customer) et de lutte contre le blanchiment (AML, anti‑money laundering). Ces éléments répondent aux risques opérationnels et de conformité qui pèsent sur les banques s’engageant avec des instruments numériques volatils.
Contexte du marché
Ce mouvement intervient alors que le secteur financier russe subit des pressions: sanctions internationales persistantes, volatilité du rouble, et demandes du secteur bancaire pour un cadre permettant d’utiliser les crypto‑actifs de manière contrôlée. Un régime expérimental déjà introduit en 2025 autorise certaines entreprises qualifiées et investisseurs fortunés à utiliser des actifs numériques pour des règlements internationaux. Pour être considéré comme « qualifié », un particulier doit notamment détenir au moins 100 millions de roubles en dépôts et titres et déclarer des revenus annuels supérieurs à 50 millions de roubles.
Sur le plan macroprudentiel, l’approche adoptée montre la volonté d’éviter une adoption bancaire massive qui pourrait amplifier la transmission de chocs depuis un marché crypto encore instable. En parallèle, l’inscription d’un système de licences dans la loi annoncée pour 2026 vise à clarifier le statut juridique des prestataires et à limiter les risques liés aux prestataires non réglementés.
Calendrier et prochaines étapes
- Finalisation et consultation du projet de cadre technique auprès du secteur bancaire dans les prochains mois.
- Préparation et adoption d’une loi globale sur les crypto‑actifs attendue d’ici 2026, incluant un régime de licences pour les prestataires.
- Surveillance continue de l’impact micro‑ et macroprudentiel: les régulateurs garderont la possibilité d’ajuster les plafonds et les exigences de réserve si les risques évoluent.
Au final, il s’agit d’une intégration graduelle: la banque centrale cherche à permettre certains usages encadrés des crypto‑actifs sans transférer une nouvelle source de vulnérabilité au système bancaire. Les détails techniques et la sévérité des contrôles détermineront si cette ouverture reste marginale ou devient une passerelle plus large entre finance traditionnelle et univers crypto.