Amex lance des tampons de voyage NFT sur base : enjeux réglementaires
À retenir
- Une carte de paiement américaine propose des « tampons » numériques pour chaque pays visité, stockés comme NFT (non-fungible token, jeton non fongible).
- Ces jetons sont émis sous la forme d’ERC-721 (un standard de token sur Ethereum) sur Base, une solution de couche 2 destinée à l’écosystème Ethereum.
- La société crée et gère en arrière-plan un portefeuille custodié pour chaque utilisateur : les clients ne voient pas le portefeuille et ne peuvent pas échanger les tampons.
- Sur le plan réglementaire, la démarche soulève des questions sur la qualification des actifs, la garde (custody), la protection des données de localisation et les obligations AML/CFT (lutte contre le blanchiment d’argent/financement du terrorisme).
La nouveauté ressemble à un carnet de voyage numérique : à chaque paiement effectué à l’étranger, l’utilisateur reçoit un « tampon » commémoratif. Techniquement, ces tampons sont mintés comme des NFT — des jetons non fongibles, c’est‑à‑dire des actifs numériques uniques — en respectant le standard ERC‑721, populaire sur les réseaux compatibles Ethereum. Ils sont déposés sur Base, une « couche 2 » qui vise à améliorer l’évolutivité et les coûts des transactions liées à Ethereum. Mais côté utilisateur, la blockchain est volontairement masquée : un portefeuille custodié est créé automatiquement et le client n’interagit pas directement avec les tokens.
Pourquoi c’est important
À première vue, il s’agit d’un gadget de fidélisation. Pris sous l’angle réglementaire, le dispositif traverse plusieurs cadres qui ne sont pas forcément harmonisés entre eux. Voici les principaux points de vigilance.
Questions réglementaires clés
- Qualification des actifs. Même si les tampons ne sont pas échangeables, leur nature de token soulève la question de leur classification : sont‑ils de simples objets numériques, des titres, ou des instruments liés à un service financier ? La réponse conditionne le régime applicable.
- Garde et responsabilité. Le portefeuille est custodié, ce qui signifie que l’émetteur détient les clés privées. Cela engage des obligations de sécurité, de gouvernance et d’information envers les clients, similaires à celles des prestataires de services sur actifs numériques.
- AML/CFT et KYC. L’intégration de la blockchain dans un produit lié à une carte de paiement oblige à vérifier comment les flux d’information sont tracés et si des contrôles renforcés sont nécessaires pour prévenir les abus.
- Protection des données. Lier des tampons à des lieux visités implique la collecte de données de géolocalisation et d’historique de voyage. Les obligations de minimisation, de transparence et les droits des personnes (par exemple en matière de suppression) entrent en tension avec l’immuabilité technique des registres blockchain.
- Interopérabilité et marché. L’absence de possibilité d’échanger les tampons réduit certains risques, mais ne les exclut pas : une évolution des règles commerciales ou techniques pourrait rendre ces actifs transférables, modifiant leur profil réglementaire.
À suivre
- Comment les autorités de contrôle vont classer ce type d’actif et quelles lignes directrices elles publieront pour les programmes de fidélité tokenisés ?
- Les obligations de transparence qui seront imposées aux émetteurs concernant la garde des clés, la sécurité et le traitement des données personnelles.
- L’impact potentiel sur la fiscalité des avantages numériques et sur les règles de conformité des établissements de paiement.
- Les réponses des régulateurs à la porosité croissante entre cartes de paiement traditionnelles et services tokenisés, notamment en matière de protection des consommateurs.
En pratique, le succès réglementaire d’une telle initiative dépendra moins de la technologie que de la qualité des informations fournies aux utilisateurs, des garanties sur la gestion des clés et des données, et de la coordination proactive avec les autorités compétentes.