La colline inca qui ressemble à une blockchain

À retenir

  • Un site andin ancien composé de 5 200 trous alignés a été réinterprété comme un dispositif public d’enregistrement et d’échange.
  • Les auteurs proposent que la bande de trous ait servi d’« état public » pour la collecte de tributs, comparable à un grand registre lisible par tous.
  • La disposition en sections rappelle la structure en « blocs » et la logique des khipu (cordes nouées) — mais le système était réécrivable, contrairement aux blockchains modernes.

Une équipe d’archéologues numériques avance que Monte Sierpe, une formation de milliers de trous sur une colline péruvienne, fonctionnait comme un système de comptabilité et d’échange visible publiquement. Pour les développeurs et techniciens, l’intérêt n’est pas une mise à niveau de protocole mais une réflexion sur les primitives sociales qui rendent utiles les registres distribués modernes: traçabilité publique, règles claires de propriété et un coût d’enregistrement élevé qui acte la valeur de l’information.

À suivre

Pour un public technique, le parallèle mérite d’être décortiqué. Une blockchain (chaîne de blocs) est un registre append-only (ajout uniquement) où chaque bloc contient des transactions vérifiables, souvent rendues résistantes à la falsification par une preuve cryptographique ou par un mécanisme de consensus. Sur la colline, les « blocs » étaient des segments de trous occupés par des biens visibles par tous. L’équivalent fonctionnel : un état partagé permettant la vérification indépendante des apports—sans clés publiques, sans hachage, mais avec une visibilité sociale forte.

Le papier compare aussi la structure aux khipu, ces dispositifs portables à cordelettes et nœuds employés pour l’inventaire et le recensement. Un khipu est donc l’analogue d’une base de données tenue par un individu expert (le khipukamayuq), tandis que la bande de trous joue le rôle d’un « registre public ». Côté ingénierie, cela illustre deux modèles de confiance : centralisé (proxi du validateur humain) versus distribué/public (observabilité collective).

Risques et limites

La métaphore a des limites techniques importantes. Premièrement, la bande de trous était réutilisable: déposer puis retirer des biens effaçait l’historique. En informatique décentralisée, l’append-only garantit une chronologie immuable; ici, l’histoire disparaît au retrait. Deuxièmement, l’absence de cryptographie ou de réplication implique une faible tolérance aux fraudes organisées ou à la suppression locale de preuves.

Enfin, le modèle humain introduit un autre jeu de risques opérationnels : la confiance dans des acteurs spécialisés, la mémoire sociale et la visibilité physique. Les blockchains modernes répondent à ces faiblesses par des mécanismes techniques (hashing, signatures, réplication sur nœuds multiples) mais au prix de complexités nouvelles (scalabilité, gouvernance, consommation d’énergie selon le mécanisme de consensus choisi).

Ce cas archéologique est précieux pour les développeurs : il rappelle que la valeur d’un registre ne tient pas qu’à sa cryptographie, mais à l’adéquation entre la technologie et les contraintes sociales et économiques. Quand on conçoit un protocole, il faut questionner qui vérifie, qui conserve l’historique et quel coût moral ou physique les participants acceptent pour rendre la donnée crédible.

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