Faut il encore des blockchains dédiées au jeu ?
À retenir
- De nouveaux réseaux blockchain axés sur le jeu prolifèrent, mais ils ressemblent souvent les uns aux autres.
- Beaucoup de efforts vont à l’attraction de développeurs plutôt qu’à l’acquisition de joueurs grand public.
- L’absence d’impact clair sur l’onboarding des utilisateurs remet en question la nécessité de multiplier les chaînes.
La récente annonce d’une chaîne « gaming » construite autour de l’XRPL (XRP Ledger) pose la question qui revient souvent: est-ce que l’écosystème a réellement besoin de nouvelles blockchains spécialisées pour séduire les joueurs ? Plutôt que de répéter les vertus techniques, il faut regarder ce qui change concrètement pour les développeurs et surtout pour les joueurs — l’objectif final de toute stratégie d’adoption.
Réactions du marché
Sur le plan du marché, la réponse immédiate est souvent binaire: certains investisseurs et fondateurs voient une opportunité de créer un nouveau foyer d’activité, d’autres y voient une redite. Techniquement, ces projets mettent en avant des avantages — latence réduite, compatibilité EVM (Ethereum Virtual Machine) pour faciliter le portage des applications, ou encore mécanismes de règlement sur une chaîne sous-jacente. EVM signifie ici que les contrats intelligents peuvent être exécutés de la même façon que sur Ethereum, ce qui attire des devs déjà familiers avec cet environnement.
Mais le discours technique ne convainc pas nécessairement les joueurs. Beaucoup de chaînes gaming misent sur des subventions et des programmes d’incubation pour attirer des studios, plutôt que sur des campagnes destinées aux consommateurs. On parle aussi de GameFi, un terme qui désigne le mélange de jeu et finance décentralisée (DeFi), mais qui a pris une connotation de niche axée sur la spéculation plutôt que sur une expérience de jeu aboutie.
Autre élément de friction: les noms et le vocabulaire. Une appellation comme « XRPL Gamechain » est parlante pour des développeurs, moins pour un public qui cherche une expérience simple. L’« onboarding friction » — littéralement les obstacles rencontrés par un nouvel utilisateur pour démarrer — reste un frein majeur. Sans simplification des wallets, des achats in-app et des interactions, multiplier les blockchains ne fait que déplacer le problème.
Calendrier et prochaines étapes
Concrètement, les projets suivent des étapes classiques: testnets (réseaux de test), ouverture aux développeurs, lancement public et itérations basées sur le retour d’expérience. Les prochaines semaines et mois serviront à mesurer deux choses essentielles: le nombre réel de jeux lancés et, surtout, le nombre de joueurs actifs récurrents.
Pour qu’une blockchain gaming s’impose, il faudra plus que des jeux de démonstration ou des mini-jeux façon années 2000. Il faudra des partenariats avec des studios établis, une expérience utilisateur native (pas besoin de jargon cryptographique), et des modèles économiques qui séduisent les joueurs sans les transformer en simples traders. Les équipes devront aussi prouver une interopérabilité pratique: permettre aux joueurs de garder leurs actifs accessibles et utilisables ailleurs, sans complexité additionnelle.
Au final, la multiplication des chaînes peut créer de l’innovation technique. Mais sans stratégie claire pour convertir des joueurs non-initiés, ces initiatives risquent de rester confinées à une communauté déjà convaincue, plutôt que d’élargir réellement l’audience du jeu blockchain.